Apprendre plus efficacement - S'engager de façon active
Volet 2 - S'engager de façon active dans les apprentissages
Sur la thématique "Apprendre plus efficacement : ce que les neurosciences enseignent, ce que les pratiques psychocorporelles apportent", je vous ai proposé un premier volet sur l'Attention, aujourd'hui Zoom sur l'Engagement actif, second pilier fondamental d'un apprentissage réussi pour le second volet sur cette thématique !
Découvrez les enseignements des neurosciences sur le sujet, les leviers qu'il est possible de mobiliser pour booster l'engagement actif des enfants/adolescents/étudiants et en quoi la méditation de pleine conscience et la sophrologie peuvent contribuer à ces leviers.
Vous retrouverez en bas de l'article les sources sur lesquelles je me suis appuyée pour la rédaction de cet article. Bonne lecture !
Etre actif cognitivement : ce qu'enseignent les neurosciences
Selon Steve Masson, professeur à l'Université du Québec à Montréal, Directeur du Laboratoire de recherche en neuroéducation et auteur d'Activer ses neurones, les stratégies les plus efficaces d’apprentissage et de révision sont celles dans lesquelles le jeune s'implique/s'engage cognitivement de façon active et interactive.
Pour apprendre, le cerveau doit être actif, c’est à dire que les neurones doivent s’activer et établir des liens entre eux. Dans les dernières années, la recherche a montré que les élèves apprennent davantage s’ils sont «actifs cognitivement dans leurs apprentissages» car un cerveau passif n'apprend pas. L'apprentissage est donc optimal quand l'élève est mobilisé et acteur engagé de son apprentissage.
Les enseignements actifs et/ou interactifs, qui sollicitent l’engagement cérébral du jeune, sont ainsi beaucoup plus efficaces que les enseignements passifs de type cours magistral où l'élève ne fait qu'écouter les explications avec un esprit qui vagabonde. Des modalités pédagogiques actives dans lesquelles les jeunes sont mis face à un problème complexe, parlent, échangent, se déplacent (importance de l'engagement physique dans la tâche), coopèrent pour trouver une solution, permettent d’augmenter la plasticité cérébrale et de gagner en performance par rapport à une simple perception passive. Les études ont montré que cela accroit la motivation et réduit significativement le nombre de jeunes en échec.
Si l’enfant qui apprend doit être attentif, actif, engagé, acteur, il ne doit pas être laissé à lui même. Sans aide extérieure, l’enfant n’apprend pas. Il ne peut apprendre à lire si l'enseignant se contente d’exposer des mots écrits, il ne peut apprendre les mathématiques et résoudre des problèmes sans explications précises.
Cet engagement actif du cerveau est également capital pour les révisions et devoirs à la maison. «Après avoir été attentif à un cours, une leçon, l'une des façons les plus efficaces de retenir les savoirs est de se tester» selon Steve Masson. Cet engagement actif du cerveau, qui se réalise grâce à un travail mental, permet de créer de nouvelles connexions et de consolider les réseaux de neurones impliqués qui seront plus faciles à réactiver.
Ainsi, pour comprendre et apprendre efficacement, il ne suffit pas de lire ou relire une leçon, de recopier un paragraphe ou de surligner les mots importants : ce n'est pas productif en termes d’apprentissage. Au contraire, il faut que le jeune sorte de sa zone de confort, devienne acteur, et produise : synthèse, schéma, reformulation à l’oral ou à l’écrit avec ses propres mots et ses représentations, création d'outils d’aide comme une carte mentale, découverte de certains aspects du concept par lui-même, explication à un ami, ...
Quels leviers pour booster l'engagement actif ?
Trois principaux leviers permettent de booster l'engagement actif de l'enfant/adolescent/étudiant dans ses apprentissages et devoirs à la maison : la curiosité, le questionnement et la croyance en sa capacité d'amélioration
Cultiver sa curiosité
La curiosité est présente naturellement chez l’enfant dès son plus jeune âge dans sa « base neuronale ». Elle est un des moteurs de l’exploration de l’homme parce qu’elle lui permet d’obtenir une denrée indispensable à sa survie : l’information. Selon Stanislas Dehaene « l’un des fondamentaux de l’engagement actif c’est la curiosité, l’envie d’apprendre, la soif de savoir. Piquer la curiosité des enfants, c’est avoir la partie à moitié gagnée : leur attention est mobilisée, leur esprit est déjà en recherche d’une explication – il ne reste plus qu’à les guider ». Il ajoute que « la curiosité est donc une force qui nous incite à explorer. […] elle est motivée par une valeur immatérielle : l’acquisition d’informations nouvelles. La découverte d’une information inconnue porte en elle-même sa propre récompense : elle active le circuit de la dopamine, l'hormone du plaisir ».
La nouveauté, quelle que soit sa nature, est ainsi recherchée pour sa gratification. Mieux encore, « le simple fait de savoir que l'on va savoir excite nos neurones dopaminergiques et apporte sa propre récompense». La curiosité stimule donc le circuit de la récompense et la découverte des informations nouvelles est une motivation en soi qui aiguise le désir d'apprendre.
La curiosité tient donc un rôle primordial dans le processus d’apprentissage de l'enfant/adolescent/étudiant.
Pour Jean-luc Aubert, psychologue nancéien et spécialiste de l’enfant et de l’adolescent, les parents ont un rôle fondamental dès la naissance dans l'accompagnement de leur enfant à prendre du plaisir dans la découverte spontanée du monde, des expériences qu'il fait et des apprentissages qu'il réalise. Le jeu est un terreau formidable dans lequel il existe une infinité d'occasions de stimuler sa curiosité, d'apprendre et de développer sa motivation pour les apprentissages que l'enfant pourra transférer ensuite aux apprentissages à l'école.
Cette curiosité naturelle de l'enfant, moteur de la motivation, immense avant l'entrée à l'école, doit ensuite être précautionneusement cultivée à l'école, sous peine de faire place à l'ennui et à la passivité vis à vis des enseignements. Les avancées en neuropédagogie suggèrent plusieurs pistes pour encourager la curiosité naturelle de l'enfant/adolescent/étudiant et stimuler son engagement actif dans les apprentissages :
- Fournir à l’enfant un environnement propice à la découverte
- Veiller à lui présenter des situations d’apprentissage qui ne soient ni trop faciles, ni trop difficiles : c’est le principe d’adaptation de l’enseignement au niveau de l’enfant
- Eviter d’asséner un long cours magistral, mais faire intervenir les jeunes, les tester fréquemment, les guider tout en leur laissant découvrir certains aspects par eux-mêmes
- Récompenser systématiquement la curiosité plutôt que de la décourager
Développer sa culture du questionnement
Le questionnement est également un booster de l'engagement actif car l’humain est conçu pour apprendre en se posant des questions. Configuré pour fonctionner par prédiction, le cerveau apprend mieux lorsqu’il s’interroge. En effet, le cerveau est un calculateur probabiliste naturellement conçu pour effectuer en permanence un traitement statistique des informations qu'il reçoit et opter pour les meilleurs choix. Pour chaque question posée, le cerveau génère des hypothèses d’interprétation et manipule des distributions de probabilités pour anticiper la suite probable des évènements. Et cela, dès sa naissance. Ce qui conduit Stanislas Dehaene à comparer le jeune à un scientifique en herbe qui projette des hypothèses et reçoit des informations qui lui permettent de les infirmer ou de les confirmer.
Le cerveau humain est donc conçu avec des prédispositions pour apprendre dont celle de prédire des hypothèses à toute question. La théorie du cerveau prédictif, validée par la communauté scientifique, soutient le développement d’une pédagogie du questionnement qui a pour effet de suractiver les neurones mais pas seulement.
Les études montrent clairement que lorsqu'il y a questionnement dans les apprentissages/révisions, d’autres leviers s’activent :
- Celui de l’acquisition mémorielle, plus efficace par questionnement (d’où la technique des tests d’acquisition, tests qui prennent une autre dimension que les traditionnels tests de contrôle)
- Celui de la motivation, fortement accrue par des postures adaptées d’implication
- Celui de la flexibilité mentale, fonction exécutive de haut niveau indispensable pour appréhender le monde avec davantage de souplesse et d’équilibre social
Encourager sa croyance en sa capacité d'amélioration grâce aux efforts
Sortir de sa zone de confort, de la passivité et s'engager activement dans les apprentissages, cela implique des efforts, de la persévérance et du courage face aux difficultés et à l'erreur. Et il est reconnu que c’est dans la difficulté maitrisée que l’apprentissage est le plus efficace.
Les travaux de Carol Dweck, professeur de psychologie à l’université Stanford, auteur de « Changer d’état d’esprit. Une nouvelle psychologie de la réussite», ont montré que la représentation mentale que les jeunes avaient de leur intelligence jouaient un rôle majeur dans l'implication des jeunes.
Carol Dweck a mis en évidence deux catégories de représentation mentale de l'intelligence chez les élèves ayant un niveau scolaire comparable :
- L'état d'esprit fixe
Les élèves avec cet état d'esprit ont tendance à penser que l’intelligence est une caractéristique intrinsèque, que les capacités sont déterminées et figées à la naissance et que l’on ne peut pas monter en compétences. Ces élèves ont du mal à s'impliquer activement dans les apprentissages et à persévérer puisqu'ils appréhendent un mauvais résultat comme la preuve d'un manque de capacités
- L'état d'esprit de développement ou "growth mindset"
Les élèves avec cet état d'esprit ont tendance à penser que l’intelligence est malléable, que l’on peut toujours améliorer ses capacités et acquérir de nouvelles compétences à force d'efforts et acceptent mieux la difficulté et les erreurs et les voient comme des occasions de développer des stratégies d'apprentissage plus efficaces. Ces élèves voient donc l'effort comme une nécessité pour parvenir à un meilleur résultat.
De nombreux travaux de recherche se sont intéressés à l’impact de ces représentations mentales de l’intelligence et ont montré d'une part qu'un état d'esprit de développement associant efforts et stratégies était plus favorable à l'implication active des élèves dans les apprentissages et à leur réussite scolaire et d'autre part, qu'il était possible de développer cet état d'esprit de développement chez tous les élèves.
Qu'on soit parent ou enseignant, il est possible de stimuler cet état d'esprit de développement chez nos jeunes, ce qui leur permettra de s'impliquer activement dans leurs apprentissages :
- En leur expliquant le mécanisme de plasticité cérébrale : le cerveau n'est pas fixe, les connexions neuronales se modifient au cours de l'apprentissage actif et permettent de développer de nouvelles connaissances et habiletés
"La sensation que tu ressens quand une tâche est difficile, c'est la sensation de ton cerveau qui se développe"
- En évitant de les féliciter sur leur intelligence ou sur leur réussite ou uniquement sur l'effort fourni
"Tu as eu une bonne note, tu es très intelligent" => quand il aura une mauvaise note, cela signifiera qu'il n'est pas intelligent ?
"Bravo pour cet excellent résultat, tu vois quand on fait des efforts, on réussit" => et s'il fait des efforts et qu'il ne réussit pas, que se passera-t-il ?
- En privilégiant des encouragements qui portent sur les processus et la progression et soulignent à la fois les efforts fournis et les stratégies efficaces mises en place
"Bravo pour cet excellent résultat. Tu as beaucoup travaillé, tu as mis en place des stratégies d'apprentissages efficaces et depuis tu ne cesses de t'améliorer"
"L'objectif n'est pas de tout réussir d'un coup. L'objectif est de développer ta compréhension étape par étape. Que peux-tu essayer d'autre ? "
"Ne dis pas "Je ne suis pas bon" mais "Je ne suis pas encore bon" car tu vas t'améliorer"
Les apports de la sophrologie et la méditation de pleine conscience
La sophrologie et la méditation de pleine conscience sont des méthodes psychocorporelles qui permettent de développer certaines compétences qui seront bénéfiques à un engagement actif de l'enfant/adolescent/étudiant dans ses apprentissages :
- Etre acteur de ses processus cognitifs
La sophrologie comme la méditation de pleine conscience permettent au jeune de s'impliquer dans une démarche active vis à vis de son mental. Il apprend à distinguer lorsque son cerveau est en mode "actif" ou en mode "repos", deux modes qui font appel à des réseaux de neurones distincts : le « réseau exécutif » et le «réseau par défaut » qui est le réseau qui s'active quand on laisse libre cours à ses pensées. Le réseau exécutif, qui a pour siège le cortex préfrontal, gère quant à lui les fonctions cognitives de haut niveau, dont les mécanismes attentionnels, la mémoire de travail et les capacités à communiquer, à planifier et à élaborer des stratégies. Très peu actif lorsque le cerveau est "au repos", c’est ce réseau qui se met en action lorsque nous nous engageons dans une activité cognitive précise, comme la sophrologie, la méditation de pleine conscience ou les apprentissages. Avec la sophrologie et la méditation, le jeune s'entraine à activer un mode de pensée intentionnel, conscient, par la régulation de son attention sur une cible. Une meilleure connaissance et pratique de ses processus cognitifs et de leurs bienfaits sont source de motivation pour le jeune pour s'impliquer plus activement dans ses apprentissages.
- Développer sa curiosité
L'esprit de curiosité est au coeur de la sophrologie comme de la méditation de pleine conscience.
Dans la pratique de la méditation de pleine conscience, on parle de "l'esprit du débutant". L'intention est de cultiver une attitude d'ouverture et de curiosité à toutes choses afin d'explorer, observer et voir « les choses telles qu’elles sont" en dehors de toute idée préconçue, préjugé, attente ou jugement qui se basent sur nos expériences ou réflexions passées. Il s'agit d'être capable d’émerveillement et d’étonnement, comme un enfant, d'expérimenter le moment présent tel qu'il est et d'être réceptif aux nouvelles possibilités. Selon Jon Kabat Zinn "L'esprit du débutant recèle de nombreuses possibilités, l'esprit de l'expert, lui, en contient peu" .
En sophrologie, l'intention est également, de vivre chaque expérience dans l'instant présent comme si c'était la première fois et de porter un nouveau regard sans jugement, sans à priori, sans interprétation. Inspirée de la phénoménologie de Husserl (philosophe allemand, 1859-1938), la sophrologie invite à laisser venir à la conscience et à accueillir ce qui se présente, les sensations, les phénomènes qui apparaissent lors des pratiques et à laisser de côté les a priori, les jugements et les comparaisons. Il s'agit de se laisser étonner et surprendre comme l'enfant qui découvre le monde : "Comme si c'était la première fois : il faut apprendre à découvrir encore le monde comme un enfant, se baigner de sensations, les laisser vivre avant la coloration du sentiment, la richesse de la pensée, la nécessité du jugement" Luc Audouin.
Ces pratiques amènent l'enfant/adolescent/étudiant à redécouvrir et se réapproprier cette qualité de curiosité qui s'émousse au fur et à mesure qu'il grandit et que son système de croyances se construit et à la mobiliser dans les situations et expériences qu'il vit tels que les apprentissages.
- Favoriser le questionnement
La sophrologie et la méditation de pleine conscience mobilisent des outils spécifiques qui favorisent le questionnement :
- En sophrologie, il s'agit de la phénodescription qui correspond aux temps d'interrogation et d’expression orale ou écrite à l'issue d'une pratique (ou de la séance) où l'enfant/adolescent/étudiant se pose des questions et décrit ses ressentis (sensations corporelles, émotions, pensées, images mentales), ses impressions et les prises de conscience qui ont émergé au cours de l'expérience vécue
- En méditation de pleine conscience, il s'agit du travail de discernement qui est une capacité de l'esprit à apprécier avec justesse et clairvoyance une situation et qui permet, à partir d'une réflexion sur ses pensées et ses émotions de répondre aux situations au plus près de ses valeurs au lieu de réagir avec ses réflexes, ses habitudes et ses automatismes.
- Stimuler un état d'esprit de développement
La sophrologie comme la méditation de pleine conscience permettent d'amener l'enfant/adolescent/étudiant vers un état d'esprit de développement dans les apprentissages grâce à :
- la prise de conscience de ses pensées et croyances liées à un état d’esprit fixe
- L'identification de son dialogue interne : si le jeune se focalise uniquement sur les résultats, s'il considère les efforts comme inutiles, s'il craint les critiques, s'il se sent menacé par le succès des autres élèves, s'il préfère éviter les défis, ...
- La prise de conscience du type d'état d'esprit qui le caractérise
- Au travail sur le développement de ses compétences: acceptation de soi avec la méditation de pleine conscience, sentiment d'auto-efficacité, confiance en soi et estime de soi avec la sophrologie
Rendez-vous prochainement pour le troisième Volet de cet article sur les piliers d'un apprentissage réussi !
Sources
Sciences et Avenir/La recherche - Les supers pouvoirs du cerveau - N°896 - Octobre 2021
Stanislas Dehaene - L'engagement actif, la curiosité, et la correction des erreurs - Février 2015
Stanislas Dehaene - Apprendre ! Les talents du cerveau, le défi des machines - Odile Jacob, 2018
Académie de Nantes - Fiche de lecture du livre Apprendre de S Dehaene : l'engagement actif un des quatre piliers de l'apprentissage - Novembre 2018
Apprendre et former avec les sciences cognitives - Le cerveau prédictif
Steve Masson - Comprendre le cerveau - Février 2021
Carol Dweck - Le pouvoir de croire que vous pouvez vous améliorer - TED talk Décembre 2014
Dweck CS. Osez réussir ! Mardaga; 2017
Bastien Wagener - L'importance de l'état d'esprit
Energie Jeunes - Interview de Léa Combette : « Apprendre à encourager les efforts plutôt que féliciter l’intelligence ! » - Avril 2020